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décrit et classifie les phénomènes et les fonctions de l’âme, il y aurait une embryogénie de l’esprit humain, qui étudierait l’apparition et le premier exercice de ces facultés dont l’action, maintenant si régulière, nous fait presque oublier qu’elles n’ont été d’abord que rudimentaires. Une telle science serait sans doute plus difficile et plus hypothétique que celle qui se borne à constater l’état présent de la conscience. Toutefois il est des moyens sûrs qui peuvent nous conduire de l’actuel au primitif, et si l’expérimentation directe de ce dernier état nous est impossible, l’induction s’exerçant sur le présent peut nous faire remonter à l’état qui l’a précédé et dont il n’est que l’épanouissement. En effet, si l’état primitif a disparu pour jamais, les phénomènes qui le caractérisaient ont encore chez nous leurs analogues. Chaque individu parcourt à son tour la ligne qu’a suivie l’humanité tout entière, et la série des développements de l’esprit humain est exactement parallèle, au progrès de la raison individuelle, à la vieillesse près, qu’ignorera toujours l’humanité, destinée à refleurir à jamais d’une éternelle jeunesse. Les phénomènes de l’enfance nous représentent donc les phénomènes de l’homme primitif  (77). D’un autre côté, la marche de l’humanité n’est pas simultanée dans toutes ses parties : tandis que par l’une elle s’élève à de sublimes hauteurs, par une autre elle se traîne encore dans les boues qui furent son berceau, et telle est la variété infinie du mouvement qui l’anime, que l’on pourrait à un moment donné retrouver dans les différentes contrées habitées par l’homme tous les âges divers que nous voyons échelonnés dans son histoire. Les races et les climats produisent simultanément dans l’humanité les mêmes différences que le temps a montrées successives