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infinis détails, mais pour en faire le centre commun des conquêtes de l’esprit humain, l’arsenal des provisions vitales. Qui dira que l’histoire naturelle, l’anatomie et la physiologie comparées, l’astronomie, l’histoire et surtout l’histoire de l’esprit humain, ne donnent pas au penseur des résultats aussi philosophiques que l’analyse de la mémoire, de l’imagination, de l’association des idées ? Qui osera prétendre que Geoffroy Saint-Hilaire, Cuvier, les Humboldt, Gœthe, Herder, n’avaient pas droit au titre de philosophes au moins autant que Dugald-Stewart ou Condillac ? Le philosophe, c’est l’esprit saintement curieux de toute chose ; c’est le gnostique dans le sens primitif et élevé de ce mot ; le philosophe, c’est le penseur, quel que soit l’objet sur lequel s’exerce sa pensée.

Certes nous sommes loin du temps où chaque penseur résumait sa philosophie dans un Ηερὶ φύσεως. Si nous concevons que l’esprit humain, dans sa légitime impatience et sa naïve présomption, ait cru pouvoir, dès ses premiers essais et en quelques pages, tracer le système de l’univers, les patientes investigations de la science moderne, les innombrables ramifications des problèmes, les bornes des recherches reculant avec celles des découvertes, l’infinité des choses en un mot, nous font croire volontiers que le tableau du monde devrait être infini comme le monde lui même. Un Aristote est de nos jours impossible. Non seulement l’alliance des études psychologiques et morales avec les sciences physiques et mathématiques est devenue un rare phénomène ; mais une subdivision assez restreinte quant à son objet d’une branche de la connaissance humaine est souvent elle-même un champ trop vaste pour les travaux d’une vie laborieuse et d’un esprit pénétrant. Je n’entends point