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lectuel, c’est la science des faits de l’esprit. Or, à cette science je ne trouve d’autre nom que celui de philologie. Tout supernaturalisme recevra de la philologie le coup de grâce. Le supernaturalisme ne tient en France que parce qu’on n’y est pas philologue.

Quand je m’interroge sur les articles les plus importants et le plus définitivement acquis de mon symbole scientifique, je mets au premier rang mes idées sur la constitution et le mode de gouvernement de l’univers, sur l’essence de la vie, son développement et sa nature phénoménale, sur le fond substantiel de toute chose et son éternelle délimitation dans des formes passagères, sur l’apparition de l’humanité, les faits primitifs de son histoire, les lois de sa marche, son but et sa fin ; sur le sens et la valeur des choses esthétiques et morales, sur le droit de tous les êtres à la lumière et au parfait, sur l’éternelle beauté de la nature humaine s’épanouissant à tous les points de l’espace et de la durée en poèmes immortels (religions, art, temples, mythes, vertus, science, philosophie, etc.), enfin sur la part de divin qui est en toute chose, qui fait le droit à être, et qui convenablement mise en jour constitue la beauté. Est-ce en lisant tel philosophe que je me suis ainsi formulé les choses ? Est-ce par l’hypothèse a priori ? Non ; c’est par l’expérimentation universelle de la vie, c’est en poussant ma pensée dans toutes les directions, en battant tous les terrains, en secouant et creusant toute chose, en regardant se dérouler successivement les flots de cet éternel océan, en jetant de côté et d’autre un regard curieux et ami. J’ai la conscience que j’ai tout pris de l’expérience ; mais il m’est impossible de dire par quelle voie j’y suis arrivé, de quels éléments j’ai composé cet ensemble (qui peut avoir très peu de valeur sans doute,