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dire dire en privilèges, le pouvoir qui nous protège contre le mal. On y trouve également enraciné un vieux reste de catholicisme, l’idée qu’on reverra des âges de foi, où régnera une religion obligatoire et universelle, comme cela eut lieu dans la première moitié du moyen âge. Dieu nous garde d’une telle manière d’être sauvés ! L’unité de croyance, c’est-à-dire le fanatisme, ne renaîtrait dans le monde qu’avec l’ignorance et la crédulité des anciens jours. Mieux vaut un peuple immoral qu’un peuple fanatique ; car les masses immorales ne sont pas gênantes, tandis que les masses fanatiques abêtissent le monde, et un monde condamné à la bêtise n’a plus de raison pour que je m’y intéresse ; j’aime autant le voir mourir. Supposons les orangers atteints d’une maladie dont on ne puisse les guérir qu’en les empêchant de produire des oranges. Cela ne vaudrait pas la peine, puisque l’oranger qui ne produit pas d’oranges n’est plus bon à rien.

Une condition m’était imposée, pour qu’une telle publication ne fût pas dénuée de tout intérêt, c’était de reproduire mon essai de jeunesse dans sa forme naïve, touffue souvent abrupte. Si je m’étais arrêté à faire disparaître d’innombrables incorrections, à modifier une foule de pensées qui me semblent maintenant exprimées d’une façon exagérée, ou qui