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plus étroits ; d’ordinaire, ils sont réunis dans les études d’un même individu, souvent dans le même ouvrage. En éliminer quelques-uns de l’ensemble des travaux philologiques, serait opérer une scission artificielle et arbitraire dans un groupe naturel. Que l’on prenne, par exemple, l’école d’Alexandrie ; à part quelques spéculations philosophiques et théurgiques, tous les travaux de cette école, ceux-mêmes qui ne rentrent pas directement dans la philologie, ne sont-ils pas empreints d’un même esprit qu’on peut appeler philologique, esprit qu’elle porte même dans la poésie et la philosophie ? Une histoire de la philologie serait-elle complète si elle ne parlait d’Apollonius de Rhodes, d’Apollodore, d’Élien, de Diogéne Laërce, d’Athénée et des autres polygraphes, dont les œuvres pourtant sont loin d’être philologiques dans le sens le plus restreint. — Si, d’un autre côté, on donne à la philologie toute l’extension possible, où s’arrêter ? Si l’on n’y prend garde, on sera forcément amené à y renfermer presque toute la littérature réfléchie. Les historiens, les critiques, les polygraphes, les écrivains d’histoire littéraire devront y trouver place (54). Tel est l’inconvénient, grave sans doute, mais nécessaire et compensé par de grands avantages, de séparer ainsi un groupe d’idées de l’ensemble de l’esprit humain, auquel il tient par toutes ses fibres. Ajoutons que les rapports des mots changent avec les révolutions des choses, et que, dans l’appréciation de leur sens, il ne faut considérer que le centre des notions, sans chercher à enclaver ces notions dans des formules qui ne leur seront jamais parfaitement équivalentes. Quand il s’agit de littérature ancienne, la critique et l’érudition rentrent de droit dans le cadre de la philologie ; au contraire, celui