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l’art seront toujours représentés dans l’humanité par un magistère, par une minorité, gardant la tradition du vrai, du bien et du beau. Seulement, il faut éviter que ce magistère ne dispose de la force et ne fasse appel, pour maintenir son pouvoir, à des impostures, à des superstitions.

Il y avait aussi beaucoup d’illusions dans l’accueil que je faisais, en ces temps très anciens, aux idées socialistes de 1848. Tout en continuant de croire que la science seule peut améliorer la malheureuse situation de l’homme ici-bas, je ne crois plus la solution du problème aussi près de nous que je le croyais alors. L’inégalité est écrite dans la nature ; elle est la conséquence de la liberté ; or la liberté de l’individu est un postulat nécessaire du progrès humain. Ce progrès implique de grands sacrifices du bonheur individuel. L’état actuel de l’humanité, par exemple, exige le maintien des nations, qui sont des établissements extrêmement lourds à porter. Un état qui donnerait le plus grand bonheur possible aux individus serait probablement, au point de vue des nobles poursuites de l’humanité, un état de profond abaissement.

L’erreur dont ces vieilles pages sont imprégnées, c’est un optimisme exagéré, qui ne sait pas voir que le mal vit encore et qu’il faut payer cher, c’est-à-