Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pales causes (47). Ce n’est pas moi qui calomnierai l’enseignement des facultés : l’Allemagne n’a rien à comparer à la Sorbonne ni au Collège de France. Je ne sais s’il existe ailleurs qu’à Paris un établissement où des savants et des penseurs viennent à peu près sans programme entretenir régulièrement un public attiré uniquement par le charme ou l’importance de leurs leçons. Ce sont là deux admirables institutions, éminemment françaises ; mais ce ne sont pas les universités allemandes. Elles les surpassent, mais ne les remplacent pas. À part quelques cours d’un caractère tout spécial, le manque d’un auditoire constant et obligé ne permet pas une exposition d’un caractère bien scientifique. En face d’un public dont la plus grande partie veut être intéressée, il faut des aperçus, des vues ingénieuses, bien plus qu’une discussion savante. Ces aperçus sont, je le reconnais, le but principal qu’il faut se proposer dans la recherche ; mais quelle, que soit l’excellence avec laquelle ils sont proposés, n’est-il pas vrai que les cours qui attirent à juste titre un grand nombre d’auditeurs et qui exercent la plus puissante influence sur la culture des esprits, ne contribuent qu’assez peu à répandre l’esprit scientifique ? Une foule de théories, ne peuvent ainsi trouver place que dans l’enseignement des lycées, où la science ne saurait avoir sa dignité (48). Comment l’opinion publique serait-elle favorable à la science, quand la plupart ne la connaissent que par de vieux souvenirs de collège, qu’on se hâte de laisser tomber et qui ne pourraient d’ailleurs la faire concevoir sous son véritable jour ? Les livres sérieux et les études paraissent ainsi n’avoir de sens qu’en vue de l’éducation, tandis que l’éducation ne devrait être qu’une des moindres applications de la science. Ce ridicule préjugé est une des plus sensibles