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fades et insignifiantes, puis haussait les épaules sur le sens obtus du public, qui ne pouvait goûter ces platitudes. À cet excès doit aboutir tout ce qui est monopole dans le monde de la pensée, tout ce qui exige pour être compris une sorte de révélation particulière, un sens à part que n’a pas l’humanité.

La science est donc une religion ; la science seule fera désormais les symboles ; la science seule peut résoudre à l’homme les éternels problèmes dont sa nature exige impérieusement la solution.


VI


Pourquoi donc la science, dont les destinées tiennent de si près à celles de l’esprit humain, est-elle en général si mal comprise ? Pourquoi ne semble-t-elle qu’un passe-temps ou un hors-d’œuvre ? Pourquoi l’érudit est-il en France, je ne dis pas l’objet de la raillerie des esprits légers, ce serait pour lui un titre d’honneur, mais un meuble inutile aux yeux de bien des esprits délicats, quelque chose d’analogue à ces vieux abbés lettrés, qui faisaient partie de l’ameublement d’un château au même titre que la bibliothèque. La littérature en effet est bien mieux comprise. Il n’est personne qui, à un point de vue plus ou moins élevé, n’avoue qu’il est nécessaire qu’il y ait des gens pour faire des pièces de théâtre, des romans et des feuilletons. Bien peu de personnes, il est vrai, conçoivent le côté sérieux de la littérature et de la poésie ; le littérateur n’est, aux yeux de la plupart, qu’un homme