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des bons citoyens. Les travaux spéciaux, les voyages, m’absorbèrent ; mes Origines du christianisme, surtout, pendant vingt-cinq ans, ne me permirent pas de penser à autre chose. Je me disais que le vieux manuscrit serait publié après ma mort, qu’alors une élite d’esprits éclairés s’y plairait, et que de là peut-être viendrait pour moi un de ces rappels à l’attention du monde dont les pauvres morts ont besoin dans la concurrence inégale que leur font, à cet égard, les vivants.

Ma vie se prolongeant au delà de ce que j’avais toujours supposé, je me suis décidé, en ces derniers temps, à me faire moi-même mon propre éditeur. J’ai pensé que quelques personnes liraient, non sans profit, ces pages ressuscitées, et surtout que la jeunesse, un peu incertaine de sa voie, verrait avec plaisir comment un jeune homme, très franc et très sincère, pensait seul avec lui-même il y a quarante ans. Les jeunes aiment les ouvrages des jeunes. Dans mes écrits destinés aux gens du monde, j’ai dû faire beaucoup de sacrifices à ce qu’on appelle en France le goût. Ici, l’on trouvera, sans aucun dégrossissement, le petit Breton consciencieux qui, un jour, s’enfuit épouvanté de Saint-Sulpice, parce qu’il crut s’apercevoir qu’une partie de ce que ses maîtres lui avaient dit n’était peut-