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pêcher de concevoir quelque sentiment d’humeur contre ceux qui abusent ainsi de leur privilège contre sa délicate et faible voix.

On n’est donc jamais recevable à en appeler de la science au bon sens, puisque la science n’est que le bon sens éclairé et s’exerçant en connaissance de cause. Le vrai est sans doute la voix de la nature humaine, mais de la nature convenablement développée et amenée par la culture à tout ce qu’elle peut être.


IV


La science n’a d’ennemis que ceux qui jugent la vérité inutile et indifférente, et ceux qui, tout en conservant à la vérité sa valeur transcendante, prétendent y arriver par d’autres voies que la critique et la recherche rationnelle. Ces derniers sont à plaindre, sans doute, comme dévoyés de la droite méthode de l’esprit humain ; mais ils reconnaissent au moins le but idéal de la vie ; ils peuvent s’entendre et jusqu’à un certain point sympathiser avec le savant. Quant à ceux qui méprisent la science comme ils méprisent la haute poésie, comme ils méprisent la vertu, parce que leur âme avilie ne comprend que le périssable, nous n’avons rien à leur dire. Ils sont d’un autre monde, ils ne méritent pas le nom d’hommes, puisqu’ils n’ont pas la faculté qui fait la noble prérogative de l’humanité. Aux yeux de ceux-là, nous sommes fiers de passer pour des gens d’un autre âge, pour des fous et