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la guerre à outrance. Des troupes de volontaires tournent facilement au pillage ; des bandes de fanatiques, soit religieux, soit politiques, ressemblent toujours à des brigands[1]. Il faut vivre, et des corps francs ne peuvent guère vivre sans vexer la population. Voilà pourquoi brigand et héros, en temps de crise nationale, sont presque synonymes. Un parti de la guerre est toujours tyrannique ; la modération n’a jamais sauvé une patrie ; car le premier principe de la modération est de céder aux circonstances, et l’héroïsme consiste d’ordinaire à ne pas écouter la raison. Josèphe, l’homme d’ordre par excellence, est probablement dans le vrai quand il nous présente la réso-

  1. Il est remarquable que Barabbas, présenté par l’Évangile de Marc, xv, 7, comme un sicaire politique ou religieux, est qualifié λῃστής dans Jean, xviii, 4. Se rappeler les Vendéens, les « brigands de la Loire », et jusqu’à un certain point les volontaires de la révolution française, en observant que Josèphe, par lequel nous savons toute cette histoire, est une espèce de Dumouriez. Sa partialité contre ses adversaires politiques éclate sans cesse. Si on voulait le croire, les boute-feu n’eussent été qu’une poignée de misérables, ne répondant à aucun sentiment national. Tacite et Dion Cassius présentent tout autrement les choses. Selon eux, c’est bien la nation qui fut fanatisée. Il est clair que Josèphe veut atténuer aux yeux des Romains la faute que ses compatriotes ont commise, et croit les excuser en diminuant le courage et le patriotisme qu’ils montrèrent. Il faut se rappeler, en outre, que l’histoire de la guerre des Juifs subit la censure de Titus, et reçut le visa d’Agrippa II. Josèphe, du moins, le prétend (Vita, 65).