Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/442

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les premiers chrétiens étaient des esprits faibles. Comparés à la masse des sujets de l’Empire, ils étaient éclairés. Parfois on les traitait de libres penseurs ; le cri de la populace contre eux était : « À mort les athées[1] » Et cela n’est pas surprenant. Le monde faisait d’effrayants progrès en superstition. Les deux premières capitales du christianisme des gentils, Antioche et Éphèse, étaient les deux villes de l’Empire les plus adonnées aux croyances surnaturelles. Le iie et le iiie siècle poussèrent jusqu’à la démence la soif du merveilleux et la crédulité.

Le christianisme naquit en dehors du monde officiel, mais non pas précisément au-dessous. C’est en apparence et selon les préjugés mondains que les disciples de Jésus étaient de petites gens. Le mondain aime ce qui est fier et fort ; il parle sans affabilité à l’homme humble ; l’honneur, comme il l’entend, consiste à ne pas se laisser insulter ; il méprise celui qui s’avoue faible, qui souffre tout, se met au-dessous de tout, cède sa tunique, tend sa joue aux soufflets. Là est son erreur ; car le faible, qu’il dédaigne, lui est d’ordinaire supérieur ; la somme de vertu est chez ceux qui obéissent (servantes, ouvriers,

  1. Αἶρε τοὺς ἀθέους. Voir la relation du martyre de saint Polycarpe, § 3, 9, 12, dans Ruinart, Acta sincera, p. 31 et suiv.