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les âmes fortes, Paul était près d’aimer ce qu’il haïssait. Était-il sûr après tout de ne pas contrarier l’œuvre de Dieu ? Les idées si mesurées et si justes de son maître Gamaliel[1] lui revenaient peut-être à l’esprit. Souvent ces âmes ardentes ont de terribles retours. Il subissait le charme de ceux qu’il torturait[2]. Plus on les connaissait, ces bons sectaires, plus on les aimait. Or, nul ne les connaissait aussi bien que leur persécuteur. Par moments, il croyait voir la douce figure du maître qui inspirait à ses disciples tant de patience, le regarder d’un air de pitié et avec un tendre reproche. Ce qu’on racontait des apparitions de Jésus, conçu comme un être aérien et parfois visible, le frappait beaucoup ; car, aux époques et dans les pays où l’on croit au merveilleux, les récits miraculeux s’imposent également aux partis opposés ; les musulmans ont peur des miracles d’Élie, et demandent, comme les chrétiens, des cures surnaturelles à saint Georges et à saint Antoine. Paul, après avoir traversé l’Iturée, était entré dans la grande plaine de Damas. Il approchait de la ville, et s’était probablement déjà engagé dans les jardins qui l’entourent. Il était midi[3]. Paul avait avec lui plusieurs

  1. Act., v, 34 et suiv.
  2. Voir un trait analogue dans la conversion d’Omar. Ibn-Hischam, Sirat errasoul, p. 226 (édition Wüstenfeld).
  3. Act., ix, 3 ; xxii, 6 ; xxvi, 13.