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entre le judaïsme et le christianisme, les superstitions indigènes et les souvenirs du vieux culte patriarcal, choquée des éléments mythologiques que la race indo-européenne avait introduits dans le sein du christianisme, elle voulut revenir à la religion d’Abraham ; elle fonda l’islamisme. L’islamisme apparut à son tour avec une immense supériorité au milieu des religions abaissées de l’Asie. D’un souffle il renversa le parsisme, qui avait été assez fort pour triompher du christianisme sous les Sassanides, et le réduisit à l’état de petite secte. L’Inde, à son tour, vit, mais sans se convertir, l’unité divine proclamée victorieusement au milieu de son panthéon vieilli. L’islamisme, en un mot, conquit au monothéisme presque tous les païens que le christianisme n’avait pas encore convertis. Il achève sa mission, de nos jours, par la conquête de l’Afrique, qui se fait, à l’heure qu’il est, presque toute musulmane. À part des exceptions d’importance secondaire, le monde a été de la sorte conquis tout entier par l’apostolat monothéiste des Sémites.

Est-ce à dire que les peuples indo-européens, en adoptant le dogme sémitique, aient complétement abdiqué leur individualité ? Non certes. En adoptant la religion sémitique, nous l’avons profondément modifiée. Le christianisme, tel que la plupart l’entendent, est en réalité notre œuvre. Le christianisme primitif, consistant essentiellement dans la croyance apocalyptique d’un royaume de Dieu qui allait venir ; le christianisme tel qu’il était dans l’esprit d’un saint Jacques, d’un Papias, était fort différent