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porte-manteau et, ce corps Pierre a tant de peine à en concevoir la présence réelle, la possibilité même, qu’il ne saurait s’en croire issu et destiné à le prolonger. Aussi, quand sa mère, par exemple, lui reproche de n’aimer pas les siens, il se dit qu’il ne sait pas quels êtres il pourrait appeler « les siens » puisque l’hygiène la plus élémentaire veut qu’il isole le colonel dans sa folie et que, d’autre part, Mme Dumont-Dufour n’est qu’une invention domestique mieux affirmée, plus encombrante, mais de la même sorte, en somme, que le porte-parapluies en plats de cuivre marocains par elle-même conçu.

À la passion que sa mère a pour lui — passion haineuse, mais passion tout de même — il n’a jamais en vérité répondu par quelque sentiment qui eût sa force en soi, et sa colère contre elle est tout juste d’un être qui persuadé de son intelligence a, par faiblesse, permis que s’affirmât aux dépens de sa propre liberté, de son bonheur spirituel, la vie agressive d’une créature dont il n’avait pas d’abord imaginé qu’elle pût valoir plus ou moins qu’un objet et envers qui, avait-il primitivement cru, l’indifférence était de toutes les attitudes la seule possible.

Cette indifférence, n’est-ce point elle, d’ailleurs, qui couvrit d’un voile paisible les premières années de Pierre ? Par la suite, elle lui parut contraire à ce qui eût dû être. C’est ainsi qu’il se troubla et en vint