Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/38

Cette page n’a pas encore été corrigée

corps dont les os se disloquent sous du crêpe marocain noir. Mme  Dumont-Dufour rit et ne fait pas semblant. Une nuit de noces ! Mme  Blok ce n’est pas possible, vous vous moquez, une nuit de noces. Parlons-en des nuits de noces, Mme  Dumont-Dufour n’a pas oublié la sienne :

M. Dumont, qui était alors capitaine, sans même prendre le temps de quitter ses bottes (il avait tenu à se marier en officier) la mordit à l’épaule, ne l’embrassa point, non la mordit à droite et près de la clavicule, et cela tandis que la jeune épousée se dévêtait dans le cabinet de toilette conjugal. M. Dumont avait des lèvres comme du papier de verre, une moustache en crin et l’air féroce. Alors, Mme  Dumont, qui en une minute, avait décidé qu’elle serait malheureuse et femme de devoir, ferma les yeux et se laissa traîner jusqu’au lit où elle permit au capitaine qui n’avait toujours pas quitté ses bottes de devenir son mari. Le tout eut lieu sur le couvre-pieds que de ses propres mains elle avait brodé au temps des fiançailles, car M. Dumont aussi brutal que peu soigneux n’avait même pas ouvert les draps. Et la victime de subir ce rut sans se demander si de la douleur précise qui en naissait ne pourrait pas quelque jour venir de la joie. Repu, le capitaine abandonna le corps qu’il avait meurtri afin d’aller quitter ses bottes, sa culotte et sa chemise, et lorsque la jeune mariée enfin rouvrit les yeux, ce fut