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geroit en Maringuoin. Le boureau lui-même ne pouvoit croire ce qu’il voyoit. Il ſe jetta cependant ſur le criminel ; on lui lia les pieds & les mains & on le rejetta dans le braſier. Tous les habitants firent revenir leurs Negres, qui, en le voyant brûler, ſentirent le faux de ce qu’il leur avoit fait croire. Depuis cette exécution, on en brûle quatre ou cinq tous les mois : il y a déjà eu vingt-quatre Negres ou Negreſſes eſclaves, & trois Negres libres, qui ont ſubi le même ſort. Mais à meſure qu’on les met à la queſtion, la Maréchauſſée en arrête neuf à dix autres qu’ils déclarent être leurs complices. Ainſi le nombre des priſonniers augmente à meſure qu’on exécute un criminel. Jugez quand finira cette terrible affaire ; il y a actuellement 140 accuſés en prison.

Des Negres qui ont été exécutés, les uns ont déclaré avoir fait périr par le poiſon 30 & 40 blancs, même leurs Maîtres, leurs femmes & leurs enfans ; d’autres 200 & 300 Negres appartenans à différens maîtres.

Il y a des habitans qui avoient ſur leur habitation 50 & 60 Negres travaillant à la place. En moins de 15 jours il ne leur en reſtoit que quatre ou cinq, & quelquefois pas un. J’en connois beaucoup qui ont eu ce malheur. On ne ſavoit à quoi attribuer cette mortalité, & on ne pouvoit leur donner de ſecours convenables, parce qu’on ne ſoupçonnoit pas le poiſon.