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MES SOUVENIRS

ambitieuses qu’elle avait sur elle pour l’avenir. Dès ce moment il ne fut plus possible aux Italiens d’avoir encore confiance en la maison de Habsbourg et de fonder sur elle leurs espérances. Ils furent blessés au cœur, et leur sentiment national se réveilla plus vif que jamais. Non, se dirent-ils, un pays qui compte comme le nôtre vingt-cinq millions d’habitants, parlant la même langue et professant la même religion, un pays qui a jadis réalisé la monarchie universelle, un pays qui a donné la première impulsion à la civilisation moderne et qui n’a cessé de produire des hommes éminents dans toutes les branches des sciences et des arts, un pays enfin à qui Dieu a donné pour frontières naturelles une vaste ceinture de mers, agrafée par une longue chaîne de hautes montagnes, un tel pays ne saurait être une pure expression géographique, et, si morcelé que l’aient fait nos malheurs ou nos discordes intestines, il tendra tôt ou tard à reprendre assez de cohésion pour compter encore parmi les grandes nations européennes.

« La justesse de ces réflexions, la légitimité de ces aspirations ne pouvaient être raisonnablement contestées. L’Autriche commit la faute de se refuser à les reconnaître et de n’avoir pas vu quel parti elle pourrait en tirer. En effet, si, au lieu de tromper et d’opprimer le sentiment national italien, elle s’était