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CHAPITRE ONZIÈME

Mon vénérable ami, qui par la noblesse de son caractère avait su se concilier l’estime de ses ennemis eux-mêmes, ne se plaignit point à moi de sa dure détention. Il m’exprima seulement la peine qu’il ressentait de n’avoir pu, malgré les plus vives instances, obtenir de voir son fils, jeune homme de vingt ans, en prison au-dessus de lui.

Lors de mon passager Neuchâtel, cette petite ville avait encore l’air d’une place prise d’assaut la veille. On ne rencontrait dans les rues que des officiers traînant leurs grands sabres d’un air menaçant, des soldats ivres sortant, les uns des cabarets, les autres des maisons des captif où, non contents d’être nourris du jour de leur victoire, ils avaient souvent brisé dans leur état d’ivresse tout ce qui leur tombait sous la main. « Nous les ruinerons tous, me disait un de ces soldats, nous sommes ici pour cela. »

Les événements avaient deux fois prouvé que la masse de la population du canton de Neuchâtel était suisse de cœur et d’intérêts, et qu’elle voulait l’indépendance absolue du pays. L’impuissance du parti royaliste était manifeste. Mais à qui la faute, si les royalistes avaient cherché à rétablir dans le canton ce qui, d’après les traités, était incontestablement l’ordre légal ? C’était au roi de Prusse qui, bien loin de renoncer à ses droits sur Neuchâtel n’avait jamais