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CHAPITRE HUITIÈME

deuil qui vint frapper cruellement la maison royale de Savoie. La reine Marie-Thérèse, veuve de Charles-Albert, mourut a Turin, le 12 janvier 1855. Elle était tombée malade le 5 janvier. Suivant la coutume piémontaise[1], elle fut saignée jusqu’à neuf fois. Le 8 au matin, Victor-Emmanuel entra brusquement dans la chambre de sa mère pour lui annoncer la naissance de son fils Victor, duc de Genevois. Cet événement n’était attendu qu’un mois plus tard. Les couches de la jeune reine avaient été très laborieuses. La reine mère, qui adorait sa belle-fille, en fut effrayée. Le soir, on redoubla les saignées. Le 11, le mal ayant empiré, la reine Marie-Thérèse fut administrée en grande pompe. Le Roi, le prince de Piémont, la princesse Clotilde, le duc et la duchesse de Gènes, le prince de Carignan suivirent la procession avec tous les personnages de la cour, les ministres et les grands du

  1. Le 15 février 1800, la reine de Sardaigne, Marie-Clotilde, sœur de Louis XVI, écrivait au comte de Maurienne : « Je n’ai pu approuver ces deux saignées absolument à la sarde, puisque vous n’aviez pas même de fièvre. » En 1848, on saignait encore à Turin jusqu’à cent fois au cours d’une maladie. Le docteur Riberi, médecin de la cour, abusait des saignées comme les autres. Victor-Emmanuel se faisait souvent saigner par lui debout, avant de chasser. On racontait de mon temps, à Turin, que ce même célèbre docteur Riberi, que j’ai bien connu, entra un matin, très pressé, dans la cour du palais d’un de ses clients, et qu’ayant demandé de là, sans monter, pour ne pas perdre de temps, à un domestique des nouvelles de son maître malade à toute extrémité, il lui avait crié de toutes ses forces sans plus de souci : « C’est bien, mon ami, faites-le saigner pour la dixième fois !… »