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MES SOUVENIRS

tendrement. » La personne que nomma le comte Tolstoï était bien celle qu’avait reconnue la comtesse de Tissenhausen.

Le vieux comte Strogonoff me raconta que, du temps de l’impératrice Élisabeth, une sentinelle du palais impérial vit une nuit la grande salle illuminée comme pour une fête. Ce soldat, fort étonné, courut avertir ses camarades et pénétra avec eux dans cette salle si subitement et si étrangement éclairée. Quel fut leur étonnement lorsqu’ils virent tous les lustres allumés et une femme ressemblant à l’Impératrice assise sur le trône en grand costume de cour ! On se hâta de réveiller l’impératrice Élisabeth, qui accourut et se reconnut assise sur son propre trône. Elle ordonna aux soldats de charger leurs armes et de faire feu. Ceux-ci ayant obéi, au bruit de la décharge tout disparut et la salle rentra dans l’ombre. L’Impératrice mourut quelques jours après.

La guerre était devenue inévitable. La France et l’Angleterre ne songeaient plus qu’à régler la mesure de leur participation à la lutte. Si le concours de la Prusse et de l’Autriche n’avait pas été obtenu, leur neutralité promise aux puissances occidentales était un grave échec pour le Tzar. D’un côté, il avait affaire à une alliance qu’il avait jusque-là jugée impossible ; de l’autre, il se voyait abandonné par