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CHAPITRE HUITIÈME

Dans une discussion sur les affaires d’Orient où le grand-duc Constantin avait tenu un langage imprudent et même fanatique, le grand-duc héritier aurait dit sévèrement à son frère : « Mon cher, tu peux penser et faire maintenant tout ce que tu voudras, mais un jour je saurai bien te contenir. »

L’Empereur devait lui-même ménager avec soin le fanatisme russe. M de Castelbajac ne se trompait pas quand il écrivait : « En Russie, l’empereur Nicolas est du parti du peuple qui l’appelle son père, et qui compte toujours, très souvent avec raison, sur l’appui du souverain contre le despotisme des seigneurs. Ce sentiment religieux, très peu éclairé du reste, fort large pour la moralité, est très fort dans le peuple, l’armée et les marchands. L’Empereur, tout despote qu’il est, doit compter avec lui[1]. »

Au milieu de cette exaltation des esprits, les récits merveilleux, si répandus à Saint-Pétersbourg, avaient cours plus que jamais. On racontait que l’empereur Nicolas étant à travailler dans son cabinet, dont il avait fermé la porte à clef, vit tout à coup en face de lui un moine qui le regardait fixement.

« Est-ce seulement pour améliorer le sort des chrétiens en Orient que tu fais la guerre ? » demanda l’apparition.

  1. Nicolas Ier et Napoléon III, par L. Thouvenel.