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CHAPITRE HUITIÈME

elle à Turin, j’évitai de la voir, ce dont elle fut, me dit-on, très contrariée. Rachel finissait une tournée théâtrale à Saint-Pétersbourg quand la guerre de Crimée éclata. Notre illustre tragédienne avait remporté de tels triomphes que la nouvelle de son départ causa partout de sincères regrets.

Les officiers de la garnison donnèrent un grand dîner en l’honneur de Rachel pour lui témoigner de leur admiration. Au moment des toasts, un officier supérieur se leva, et vidant sa coupe :

— Nous ne nous disons pas adieu, mais au revoir. Bientôt nous serons en France, et espérons alors boire à nouveau à votre santé et à vos succès.

Rachel, qui était femme d’esprit, se leva incontinent :

— Je vous remercie beaucoup de vos vœux, messieurs ; mais sachez bien que la France n’est pas assez riche pour offrir le champagne à ses prisonniers de guerre.

Napoléon III fit un suprême effort pour conjurer la guerre que lord Stratford de Redcliffe, ambassadeur anglais à Constantinople, cherchait à rendre inévitable. Dans une lettre autographe adressée au Tzar, Napoléon proposait de suspendre par un armistice les hostilités engagées avec les Turcs ; pendant ce temps on aurait cherché les bases d’un arrangement. Nicolas