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CHAPITRE SEPTIÈME

diabolique et fort dispos de corps comme d’esprit ; et puis cela lui fait tant de plaisir !

« Quant à moi, outre que je ne suis pas dévoré d’ambition, je n’en puis plus physiquement ; depuis trois ans, je m’assassine, et les affaires eussent fini par en souffrir… Enfin, on va se reposer de tout cela. »

Mon court séjour en Piémont fut fort agréable et intéressant. Je dînai chez le comte de Cavour avec plusieurs membres du ministère. Le roi Victor-Emmanuel me reçut deux fois, toujours avec la même affectueuse familiarité.

L’opinion commençait à se montrer très sévère pour lui, surtout dans les cercles aristocratiques. « C’est un prince sur lequel il est difficile de compter, disait-on. Il se montre quelquefois sensible, mais sa légèreté est telle qu’il oublie bientôt ce qu’il a dit ou promis. Il s’échauffe beaucoup trop en parlant. Il est conteur quelquefois compromettant, se moquant de tout le monde, donnant en face à ses amis les épithètes d’ignorants et d’incapables. »

Un jour, un de ses ministres lui dit au château de Pollenzio : « Sire, vous n’avez jamais signé de décret daté de cette résidence. Il faudrait y faire un des actes importants de votre règne. » – « Oui, sans doute, dit le Roi, en regardant fixement ses ministres