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CHAPITRE CINQUIÈME

tère des affaires étrangères, le comte Nesselrode, qui était fort avare, se taxa à deux mille roubles et obligea tous ses employés à contribuer à l’extinction du déficit. La corruption et les concussions étaient alors une des plaies de la Russie.

Très exact, ayant à un haut degré le sentiment de la probité et de l’honneur, d’une grande simplicité dans ses habitudes, l’Empereur n’arrivait pas à couper court à des désordres invétérés.

Pendant la semaine du carnaval russe, appelée à Pétersbourg la « semaine folle », les fêtes se succèdent sans discontinuer : elles commencent à midi pour ne se terminer qu’à cinq heures du matin. Un jour c’était chez le comte Betzborotko, le lendemain chez le ministre des travaux publics Kleinmikel, le jour suivant chez Mme Karamzine, qui avait épousé en premières noces un frère d’Anatole Demidoff. C’était elle qui possédait le fameux diamant de Charles le Téméraire, le Sancy.

Le fils qu’elle avait eu de son premier mariage était destiné à avoir un jour toute la fortune des Demidoff, c’est-à-dire trois millions de rente.

Ces fortunes colossales ne sont pas rares en Russie. Le comte Chérémetief possède à lui seul cent cinquante mille paysans. Plusieurs de ces paysans sont très riches et font le commerce des fruits à Péters-