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CHAPITRE QUATRIÈME

que le grand-duc Nicolas courut chez l’Empereur : « Sire, lui dit-il, j’apprends que vous allez faire la guerre en Turquie, et je viens vous supplier de m’autoriser à faire partie de cette expédition. » L’Empereur, de plus en plus irrité, voulut obliger son fils à lui révéler l’auteur de cette indiscrétion. Mais le jeune homme, comprenant le danger qu’aurait couru le comte Pahlen, résista aux ordres et aux instances du Tzar et ne livra pas le nom qui lui était demandé.

L’Empereur et le grand-duc héritier assistaient avec une grande simplicité aux bals masqués de l’Opéra ; l’Empereur y portait un costume cosaque qui lui allait fort bien. Il se mêlait à la foule, allant et venant, causant, riant, intrigué par des femmes qui le prenaient par le bras, bousculé, heurté, comme le premier venu, sans que personne parût faire attention à lui. C’est bien le cachet de la vie russe à côté de l’étiquette la plus sévère le plus grand laisser aller.

Lorsqu’il y a un grand diner à la cour, c’est à grand’peine que l’on empêche les convives, rencontrant des valets portant les plats, de les piller avant qu’ils soient placés sur la table. Au dessert, de hauts fonctionnaires bourrent leurs poches de fruits, de gâteaux, de bonbons de toute espèce à peine un