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MES SOUVENIRS

certains actes militaires qui ne rencontraient pas l’approbation générale, s’efforçant d’écarter le moindre blâme de la personne de son souverain. Il évitait d’ailleurs de s’immiscer dans la direction des affaires ; ce n’était que dans les cas les plus graves et dans l’intérét évident de l’empereur Nicolas qu’il se hasardait à lui donner son avis. Sa mort fut une perte irréparable pour l’Empereur. Seul, il osait lui dire la vérité, combattant l’influence des courtisans qui, pour plaire à leur maître, l’adulaient au point de lui faire croire qu’il était au-dessus de Pierre le Grand.

L’empereur Nicolas avait été élevé avec beaucoup de sévérité par le général comte Lambsdorff, homme de peu de moyens, originaire des provinces baltiques, qui poussait, dit-on, la rigueur jusqu’à frapper le prince dans son enfance. Ce traitement avait durci davantage encore son caractère naturellement inflexible et avait porté plus tard Nicolas à être envers les autres aussi dur qu’on l’avait été envers lui-même. Ayant été nommé très jeune à la direction du génie, il avait contracté une véritable passion pour tout ce qui se rattachait à cette arme. Il avait créé le corps des pontonniers à cheval, et c’était à cause du goût très vif qu’il avait conservé pour ses premières occupations qu’il faisait élever dans son empire un nombre démesuré de fortifications.