Page:Reiset - Mes souvenirs, tome 1.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
285
CHAPITRE DIXIÈME

Piémont. » Il dit également au roi : « Les deux principales qualités de l’homme d’État sont le coup d’œil et la volonté. Je ne puis reprocher à M. Gioberti le premier acte de décision dont j’aie été témoin depuis sept mois que je suis à Turin. »

Charles-Albert avait son parti pris. Il s’était engagé à faire la guerre sur la promesse que le parti républicain respecterait sa couronne. C’est à ce parti qu’avait été sacrifié Gioberti.

En vain le ministre de France lui fit-il savoir que, non seulement la France ne suivrait pas le Piémont dans une guerre contre l’Autriche, mais qu’elle ne se laisserait pas entraîner par des tentatives ayant pour but de faire croire à une agression de la part de l’Autriche. Un personnage haut placé, élevé avec le roi et ayant avec lui des rapports d’intimité, disait au sujet de cette résolution de Charles-Albert : « Ce serait faire trop d’honneur au roi que de lui supposer d’autres projets arrêtés que celui-là. Il a du courage et de l’activité en campagne, mais il est aujourd’hui dénué de toute espèce de force d’esprit et de caractère pour conduire des affaires politiques. L’indécision et la paresse dominent toutes ses déterminations ; éviter d’agir est pour lui une bonne fortune, et dans cette dernière circonstance il s’est trouvé trop heureux d’échapper à une décision qui l’enga-