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CHAPITRE QUATRIÈME

piémontaise faisant feu pendant quatre heures de suite, sans relâche, joua un rôle décisif dans cette affaire et s’y couvrit de gloire. Le roi se plaça d’abord à la tête de la seconde ligne, en face de l’aile droite ennemie, près de Goïto que les Autrichiens voulaient enlever. Il restait impassible au milieu des boulets de canon, des grenades, des fusées à la congrève qui tombaient en avant et en arrière de son état-major. Il eut la figure écorchée par de la terre qu’avait soulevée un boulet qui venait de l’effleurer. Le duc de Savoie fit des prodiges de valeur, encourageant et haranguant les troupes : il fut légèrement blessé par un éclat de mitraille. « Le duc de Gênes serait bien content de recevoir la pareille, » s’écria-t-il en se sentant touché. Voyant que le régiment de Coni hésitait, il se mit à crier de sa voix de stentor : « Les goitreux de Coni reculent, en avant les gardes ! »

Il s’élança à la tête des gardes. Trois jeunes lieutenants sortirent des rangs pour lui faire un rempart de leur corps. Deux, le chevalier Layolo et le marquis de Rovereto, tombèrent foudroyés ; le troisième, Auguste de Cavour, à peine dans sa vingtième année, grièvement blessé, ne survécut que vingt-quatre heures. « J’ai infiniment regretté pour bien des raisons le jeune Cavour, écrivit Charles-Albert ; c’était un jeune homme qui donnait les plus