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anciens au Sanhédrin, et elle vint ainsi aux autres par succession, jusqu’à ce que le rabbi Juda, surnommé le Saint, en fît une compilation, dans la crainte qu’il eut que cette loi orale ne se perdit, à cause de la grande dispersion d’Israël. Les Juifs sont dans cette pensée, qu’on ne peut condamner cette compilation, que les Chrétiens ne condamnent aussi leurs traditions, qui sont l’âme de leur Évangile ; comme le Talmud est l’âme des cinq livres de Moïse.

Pour ne rien oublier de ce qui peut charger les Juifs, on leur reproche encore de ruiner les Chrétiens par leurs usures, de transporter les monnaies hors du Royaume, et de les changer pour des monnaies étrangères ; mais ceux qui connaissent les affaires du commerce en jugeront tout autrement, étant bien plus à propos de donner son argent à profit, que de le garder dans son coffre ; les Juifs, par ce moyen, tirent tous les jours plusieurs Chrétiens de la misère. Il semble que les Chrétiens suivent plutôt aujourd’hui les ordonnances de leurs princes pour ce qui regarde l’usure, que les règles qui leurs sont prescrites par l’Évangile : au lieu que les Juifs ne contreviennent pas à la loi de Moïse, qui leur permet ce profit sur les étrangers. C’est une nécessité qu’il y ait des changeurs. Pour ce qui est du reproche qu’on leur fait d’acheter en Allemagne des chevaux refaits, c’est une chose aussi ridicule que lorsqu’on fait de Raphaël Lévy un autre Moïse, rabbin et chef de synagogue, qui a voyagé en Levant, en Italie, en Allemagne, et qu’ensuite l’on en parle comme d’un homme peu savant dans sa loi. La vérité est qu’il n’était pas homme de lettres et qu’il a seulement fait quelques voyages en Italie, pour acheter des fruits de cèdre et de palmier, dont les Juifs se servent à leur fête des Tentes ou des