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Juif qui s’était fait Chrétien, et le célèbre Jean Reuchlin touchant le Talmud, est une preuve évidente que les Chrétiens ont parlé tout autrement des livres juifs, lorsqu’ils en ont pu juger par eux-mêmes. L’histoire de ce procès est rapportée au long dans les commentaires de Jean Sleidan. Les plus savants hommes de ce temps-là se déclarèrent ouvertement en faveur de Reuchlin, comme on peut le voir dans les lettres qui ont été imprimées. La Cour de Rome prit même sa défense. L’Université de Cologne, qui l’avait condamné, fut même le sujet d’une infinité de satires qui se firent alors. L’évêque de Spire que le pape avait commis pour connaître de cette affaire, prononce en faveur de ce même Reuchlin contre cette Université. Enfin l’estime que font aujourd’hui la plupart des Chrétiens des livres juifs, dont les meilleures bibliothèques sont remplies, est une preuve manifeste de leur utilité ; et si l’on ne craignait de faire une digression trop longue on montrerait le grand profit que l’Église des Chrétiens a reçu de ces mêmes livres. Ruffin ayant reproché autrefois à saint Jérôme qu’il conversait trop avec les Juifs et qu’il changeait l’Église en synagogue, ce savant Père sut bien répondre que son adversaire ne connaissait pas l’avantage qu’il y avait de fréquenter les rabbins.

C’est avec beaucoup de raisons que les meilleures villes de l’Europe gagnent des professeurs qui enseignent publiquement la langue hébraïque dans leurs écoles, suivant en cela les constitutions du concile de Vienne tenu sous Clément V. Les Juifs ne reconnaissent point, comme on le leur oppose, les rabbins pour auteurs du Talmud ; mais Moïse, lorsqu’il reçut de Dieu la loi écrite, en reçut aussi l’explication qu’ils appellent loi orale ; Moïse la donna à Josué, Josué aux anciens, les