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punir les hommes de leur méchanceté, on a rejeté aussitôt la cause de tous ces maux sur cette misérable nation. Une grande peste affligea presque tout l’Occident en 1348, et après plusieurs prières des Chrétiens faites pour détourner la colère de Dieu, l’on accusa les Juifs comme auteurs de cette misère publique. Il se répandit un bruit parmi le peuple que les Juifs s’étaient assemblés en grand nombre en Espagne pour composer des poisons très subtils afin d’éteindre entièrement le nom chrétien, et qu’ils avaient jeté dans les puits et dans les fontaines de petits sacs remplis d’un poison mortel. Les méchants furent bien aises de rencontrer cette occasion pour avoir quelque prétexte de ravir le bien des Juifs ; et les simples trouvèrent une matière propre à leur zèle. Le pape Clément VI, touché des persécutions injustes qu’on faisait aux Juifs, publia un décret en leur faveur l’année septième de son pontificat, dans lequel il défend toutes ces violences. Mais la fureur du peuple continuant toujours, il fit un second décret dans lequel il reprend avec des paroles très fortes la cruauté des Chrétiens, et dit que bien loin de persécuter les Juifs, il est de la justice de les assister, Jésus-Christ ayant tiré d’eux son origine. Il commande même aux archevêques, évêques et aux autres prélats de l’Église qu’ils aient à déclarer, dans les assemblées, aux peuples, que s’ils ne se désistent de leurs injustes persécutions, ils sont excommuniés. Mais il fut impossible d’empêcher la haine dont on était préoccupé contre les Juifs : il n’y eut que le comtat d’Avignon, où était alors le pape, qui fût exempt de cette inhumanité, et même l’année suivante, dans la seule ville de Mayence, l’on tua 12 000 Juifs.

Si je ne croyais que ces exemples sont plus que suffisants pour faire voir les injustes accusations dont on a