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ces princes est beaucoup plus malheureux que celui de leurs pères sous Pharaon.

Ce qui se passa au regard des mêmes Juifs en l’année 1338, sous le pontificat de Benoît XII, mérite d’être remarqué. On trouva près de la porte d’un Juif, dans une ville du diocèse de Passau, une hostie teinte de sang. Le peuple, suivant ses préjugés ordinaires, crut que les Juifs lui avaient donné des coups de couteau ; l’affaire fut portée à Albert, duc d’Autriche, qui, étant bien instruit par plusieurs exemples de la malice et du faux zèle de quelques Chrétiens contre les Juifs, commença à douter que l’hostie fût véritablement consacrée : c’est pourquoi il consulta le pape, qui commit cette affaire à l’évêque de Passau. La réponse que le pape fit au duc contient plusieurs histoires, qui avaient fait douter le même duc de la vérité de cette accusation, d’autant que depuis quelque temps, dans une ville d’Autriche, un certain clerc avait mis dans l’église une hostie qui n’était point consacrée, toute teinte de sang, et qu’ensuite en ayant été convaincu en présence de l’évêque de Passau et de plusieurs autres personnes dont une partie vivait encore, il confessa qu’il avait lui-même arrosé cette hostie de sang pour faire croire au peuple que les Juifs étaient les auteurs de cette méchanceté. Un autre clerc enchérit par-dessus la malice du premier ; car voyant que cette hostie qu’on adorait publiquement dans l’église se corrompait et était rongée par les vers, il en mit une autre qui n’était point aussi consacrée, et qui fut pareillement l’adoration du peuple. Ce second clerc avoua, comme le premier, qu’il l’avait fait en haine de la nation juive. Les Juifs n’ont pas été seulement accusés d’infanticide et de crucifiement ; mais lorsqu’il est quelque fléau du Ciel pour