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(sapientia infernalis, contraria prophetis et apostolis inimica submersio pietatis et gratiæ). Il fait voir par l’Écriture sainte le retour des Juifs que l’Église souhaite dans ses prières : « Cum plenitudo gentium intraverit, tunc omnis Israel salvus fuit ». Pierre, abbé de Cluny, qui fut plus adroit, écrivit à Louis, roi de France, qu’il fallait plutôt punir les Juifs par la bourse que les mettre à mort. Ce fut alors que les prédicateurs firent de grandes invectives contre la nation juive, en exagérant le péché de leurs pères qui avaient crucifié Jésus-Christ ; en sorte que le crime des pères fut attribué aux enfants. Cela donna lieu aux moines, non seulement de prêcher, mais de remplir leurs livres de ces histoires tragiques qui furent peu après répandues dans toutes les villes. Elles firent une si vive impression sur le peuple que les papes et les princes eurent besoin de toute leur autorité pour arrêter le cours des cruautés qu’on exerçait contre ces malheureux.

En l’an 1235, le pape Grégoire IX se vit obligé de protéger les Juifs qui étaient injustement tourmentés dans toute l’Europe. Il témoigna qu’il avait été fléchi par leurs pleurs, sachant bien, dit-il, qu’ils ne sont nullement coupables des crimes que les Chrétiens leur imputent pour avoir leur bien, en abusant de la religion pour donner quelque couleur à leur avarice. On peut lire là-dessus, dans Raynaldus, la lettre de ce pape adressée à tous les Chrétiens : elle est écrite de Pérouse, la neuvième année de son pontificat, et, afin qu’elle ait plus d’autorité, il propose l’exemple de ses prédécesseurs Calliste, Eugène, Alexandre, Clément, Célestin, Innocent et Honorius, qui avaient aussi pris la défense des Juifs et prononcé anathème contre ceux qui continueraient de les persécuter.