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fuerit hominem et vendiderit eum, convictus noxæ, morte moriatur. » Mais il faut être malicieux ou ignorant pour ne point voir que Moïse, entre plusieurs lois qu’il établit dans ce chapitre contre les vices qui règnent ordinairement dans les États, en fait une contre l’avarice de ceux qui, pour avoir de l’argent, vendraient leurs frères à leurs voisins. Cette loi était alors nécessaire aux Hébreux qui étaient au milieu de plusieurs peuples ennemis. Tostat, savant évêque espagnol, dans son commentaire sur ce passage, reprend fortement la méchante coutume de quelques Chrétiens, voisins du Turc, qui par une semblable avarice vendent leurs frères à ces infidèles. Si le sens de ce passage était celui que l’auteur du libelle s’est imaginé, il serait bien plus à propos de conclure le contraire, et de dire que les Juifs sont bien éloignés du crime dont on les accuse, puisque Moïse le leur défend expressément. Et c’est pour cette raison que plusieurs grands papes, ainsi que nous le verrons dans la suite, ont pris justement la défense des Juifs lorsqu’ils les ont vus injustement persécutés.

La seconde preuve que cet auteur met en avant est tirée de l’Histoire ecclésiastique de Baronius, qui rapporte, dit-il, quantité d’exemples de crimes de plagiaire suivis d’extraordinaires cruautés exercées sur des enfants chrétiens par des Juifs. Il veut sans doute parler des continuateurs de Baronius, qui fournissent à la vérité plusieurs exemples de ces prétendues cruautés. Mais aussi devrait-il avouer que ces mêmes écrivains sont remplis d’un grand nombre d’histoires en faveur des Juifs, et l’on peut dire en examinant les choses avec sincérité, que les derniers livres font douter de la vérité des premiers, comme nous allons le démontrer : Baronius ayant fini ses annales au XIIe siècle, n’a pu