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tendent-ils par ce mot-là ? Un ouvrage d’art est important par la dimension, l’exécution, le choix du sujet, le sentiment, ou par la pensée.

Le principe du nombre n’entre pour rien dans les jugements portés sur le beau. Toute œuvre reconnue bonne et belle par un seul juré devrait être admise. Le Salon n’aura de diversité que lorsqu’il sera formé selon ce mode.


Que de désillusions en approchant très près d’un homme de génie ! Quelle illusion éternelle et intarissable le génie garde à l’égard des autres hommes !

Par la vision des murs de nos cathédrales, comme par celle des marbres de la Grèce ou de l’Égypte, partout où l’homme civilisé ou sauvage a vécu, nous revivons par l’art sa vie morale la plus haute ; nous la revivons spontanément, radieusement et c’est une résurrection prodigieuse.

En somme, il faut souffrir, et l’art console ; il est un baume. Et cet oubli que nous trouvons dans la recherche heureuse fait notre richesse, notre noblesse, notre fierté.

Ma vie dérogea peu de certaines habitudes coutumières, les déplacements rares que je fis ne m’ont pas permis d’interroger davantage les lois de mon expansion. Nos jours ont alterné entre la ville et la campagne ; celle-ci me reposant toujours, me donnant, avec les forces physiques, des illusions nouvelles ; celle-là, et surtout Paris, m’assurant le tremplin intellectuel sur lequel tout artiste doit s’exercer sans cesse ; elle me donna surtout la conscience dans la direction de l’effort aux heures d’étude et de jeunesse : autant il est bon de s’abandonner quand on crée, autant encore il est bien de savoir ce qu’il est bien d’aimer et où l’esprit s’envole.

Rembrandt me donna des surprises d’art toujours nouvelles. Il est le grand facteur humain de l’infini de nos extases. Il a donné