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les inoïts orientaux.

l’étude de la mentalité. Des Indous et Parsis, des Tamouls et Musulmans, fort intelligents sur d’autres points[1], ne comprennent rien à nos images, dessins et photographies, montrent sur ce point une maladresse qui étonne. Un savant brahmane, auquel on faisait voir un portrait d’un cheval, vainqueur au Derby, demandait avec le plus grand sérieux, semblait-il : « Cela représente la royale cité de Londres ? »[2].

Depuis que Dalton découvrit sur lui-même que tous les hommes ne voient pas les teintes de la même manière, on s’est aperçu, avec surprise, que la cécité totale ou partielle quant à certaines couleurs, est un fait physiologique assez fréquent : la partie tout à fait centrale de la rétine se montre seule sensible aux nuances, mais la lumière et l’ombre l’impressionnent sur toute son étendue. Là-dessus, les linguistes, Geiger en tête, crurent apporter à la doctrine de l’évolution une preuve décisive. Constatant que les noms de couleurs assignées par Homère à certains objets ne cadrent manifestement pas avec ceux que nous leur attribuons, — ainsi Apollon n’a pas eu les cheveux violets (si tant est que nos lexiques donnent toutes les significations des mots), — ils se crurent en droit d’affirmer que le sens de la couleur s’est modifié dans notre espèce depuis l’époque historique.

Accueillie avec faveur, la théorie devint à la mode. L’illustre M. Gladstone, alors ministre des finances de la

  1. Ross, Second Voyage.
  2. Schwarzbach, de Graaf Reynet, Bulletin de la Société de Géographie de Vienne, 1882.