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les inoïts orientaux.

le misérable, et s’il n’est pas déjà mort de froid, le tue en le roulant sur la plage, en le raclant contre les galets.

Mais ces exécutions répugnent aux mères, surtout quand l’enfant demande à vivre, et que son œil s’est ouvert largement à la lumière du jour. De plus en plus, l’opinion se prononce contre les infanticides, ne les permet qu’en cas de nécessité. Encore, dit-on qu’ils portent malheur au village et que la nuit on entend les gémissements lamentables du pauvre innocent. Même croyance en Laponie, où des mères coupent la langue du petit avant de le jeter dans la forêt[1].

Qu’elles se fassent avorter ou qu’elles étranglent la progéniture surabondante, elles ne sont pas mauvaises mères pour cela. Touchante est leur sollicitude, innombrables les soucis qu’elles se donnent pour les enfants, après et même avant la naissance. La femme enceinte est dispensée de tout gros travail, — pourquoi nos civilisés ne vont-ils pas à cette école ? — elle ne mange que du gibier apporté par le mari, que du gibier qui n’a pas été blessé aux entrailles[2] ; deux prescriptions qui demandent commentaire. L’enfant, même né en justes noces, courrait le risque de devenir bâtard, s’il était nourri d’autres aliments que ceux apportés ou présentés par son père, ce qui est une des pratiques dites de la couvade, et suffirait déjà à l’expliquer. Car le père, quand il veut reconnaître son enfant, est jaloux de le soigner et de le nourrir pour sa part. Là-bas on insiste beaucoup plus qu’on ne fait chez nous sur la corrélation qui existe entre l’organisme et l’aliment qui le constitue. L’animal ne doit pas avoir été blessé aux entrailles, de peur que, par sympathie, la femme

  1. Nouvelle Revue.
  2. Rink, Eskimo Tales.