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les kolariens du bengale.

À mesure que les siècles s’écoulaient, la civilisation gagnait sur la barbarie monticole ; les idées religieuses, les pratiques sociales des plaines s’infiltraient ; les influences du brahmanisme et du bouddhisme, puis de l’islam, pénétraient jusque dans les cantons reculés, réveillaient de lointains échos. Néanmoins, jusqu’aux cinquante dernières années, les districts intérieurs étaient restés inconnus, donc indépendants. Mais voici venir voyageurs anglais, missionnaires chrétiens de toute dénomination et de toute provenance, commerçants, ingénieurs et soldats. Les histoires de conquête se ressemblent toutes. La Compagnie des Indes se ménagea des intelligences dans les places, se fit des amis ; les riches et puissants n’y ont pas grand’-peine avec les ignorants et besogneux, facilement jaloux les uns des autres. On vit surgir de belles routes carrossables, sur lesquelles firent leur apparition infanterie, cavalerie, artillerie. Sans bruit, sans éclat ni menaces, avançant graduellement, les habits rouges occupèrent des points stratégiques, d’où l’argent se répandait à l’entour. La marée montante enveloppait une position, tournait une autre. Maint châtelain apprit à ses dépens que son roc n’était plus imprenable ; maint gentillâtre fut mis à la raison. L’ennemi déclaré, on le brisait ; on isolait les malveillants, on achetait les douteux. D’habiles officiers, sachant se hâter lentement, dire des paroles accommodantes et bien placer des cadeaux, gagnaient position après position. La diplomatie anglaise, le gouvernement de Calcutta, montrent avec fierté les résultats que leur valut une dépense en hommes et en argent relativement minime. Aujourd’hui, le territoire est parcouru par des visiteurs toujours plus nombreux ; les immigrants apportent autres besoins et intérêts, autres industries et mœurs.