Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/145

Cette page n’a pas encore été corrigée
125
le kief.

—  Mais, ô docteur subtil, comment font vos bienheureux pour pérambuler les étoiles en même temps que l’Élysée des abîmes marins ? Comment l’Ombre et l’Esprit peuvent-ils exister séparément ?

L’Hyperboréen balbutie : « Les pères nous ont enseigné ainsi. » — S’il eût étudié dans nos écoles, il pourrait demander :

—  Est-ce que votre mythologie ne montre pas Hercule présent à la fois dans l’Hadès et dans l’Olympe ? Pourquoi tant de rigueur envers nos angakout ? Pourquoi leur imposer une logique dont vous dispensez Homère et Virgile ?

Mieux que toute chose, le repos plaît aux Aléouts, le doux nonchaloir. Du haut de leurs rochers ou de leurs toits gazonnés, ils se plaisent à contempler la mer. On a dit qu’ils attendaient le lever de l’aurore, pour se donner un bain de lumière. Toujours est-il que, de grand matin déjà, hommes et femmes montent au poste d’observation. Pas de nuages, pas de vapeurs, pas de brouillards qui leur échappent ; de leur direction, de leurs formes et nuances, ils déduisent le temps qu’il fera, le mouvement de la mer, la force et la nature des vagues. S’ils ont du loisir, ils restent des heures sans bouger ni faire signe, sans souffler mot. En dépit des brumes et des vents glacés, ces rêveurs indolents et mélancoliques connaissent le « kief » des Orientaux. La paresse n’est point leur vice, puisqu’ils fournissent avec patience et conscience un travail considérable, s’ils en ont compris la nécessité ; mais ils prendront garde à ne dépenser en peine et en efforts que l’indispensable, préférant, comme le sage Salomon, « une