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ballet.

des connaisseurs par la précision du rythme, la sûreté des danseurs, la grâce modeste des danseuses, qui glissent sur le sol en faisant onduler leurs plumes.

« Suit un ballet : l’Heureux Chasseur, scène à deux personnages. Un oiseau sautille, hoche de la queue, boit et se baigne, se lisse les plumes, becquète par-ci, pigoche par-là. L’archer le guette, approche à pas furtifs. Un de ses mouvements effarouche la bestiole, qui détale. Mais une flèche siffle, l’atteint en plein vol. La blessée se raidit contre la douleur, voltige en lacets désordonnés, et va choir dans une broussaille. Avec son aile brisée, elle fait face à l’ennemi, pique du bec, griffe des ongles, jusqu’à ce que perdant sang et souffle, elle s’affaisse et s’abandonne, laissant choir son plumage… Merveille ! c’est une femme nue, une femme tremblante et palpitante que le jeune chasseur, ivre de joie, embrasse avec ferveur. »

Que vous en semble ? N’est-ce pas la traduction en aléoute de l’apologue d’Éros, d’Éros qui a décoché sa flèche d’or sur la charmante colombe d’Aphrodite ? Les Dindjié racontent que la Gélinotte Blanche se métamorphosa en femme pour devenir la compagne de l’homme[1]. Les Indiens ont aussi la légende d’Osséo, qui, se promenant dans l’Étoile du Soir, tira sur une fauvette ; l’oiseau tomba et se trouva être une fille avec une flèche sanguinolente dans la poitrine d’ivoire[2]. Le Russe Mikaïlof Ivanovitch Potok courait après une cygnelle et la tira : « Tombèrent les plumes blanches, tomba le manteau, apparut la plus belle des vierges[3]. » — « Je suis le faucon, tu es la palombe », chante l’éternel amoureux des poésies populaires.

  1. Petitot, Monographie des Dèné Dindjié.
  2. Schoolcraft, Algic Researches.
  3. Bistrom, das Russische Volksepos.