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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

sont jetés sur l’entreprise comme des agioteurs sur une spéculation à primes ; rendus stupides par leur cupidité, ils se sont empressés de dissoudre l’Association pour être seuls à en partager les avantages. Dès qu’ils ont vu la poule aux œufs d’or, les malheureux ont pris leur couteau pour l’égorger et lui arracher les entrailles. Combien ces grossiers parvenus de la richesse différaient en cela de leurs voisins et concitoyens, les anciens Pionniers ! C’est sur un terrain d’intelligence et de solide moralité que la plupart des associations coopératives ont été fondées. Les hommes d’initiative qui les ont entreprises se distinguent généralement par quelque doctrine à laquelle ils se dévouent, par quelque idée, vraie peut-être, erronée peut-être, dont ils se sont faits les champions.

Ainsi le système de M. Isaac Pitman pour la réforme de l’écriture et de l’orthographe au moyen d’une méthode particulière, recrute comparativement le plus grand nombre de ses adhérents chez les Coopérateurs qui s’entr’écrivent en caractères sténographiques et prennent des abonnements au journal Phonetic News[1]

Les Coopérateurs se sont ralliés à un mouvement que nous voudrions bien voir se propager en France, et qui a été organisé par de judicieux amis de l’humanité, c’est celui de l’Early Closing. Il s’opère en faveur des caissiers, commis et autres employés, pour que, les affaires cessant et les magasins se fermant à une heure raisonnable de la soirée, ces ilotes du commerce reprennent possession d’eux-mêmes ; pour qu’échappant à la boutique à laquelle ils ont appartenu corps et âme pendant tout le jour, ils rentrent pour quelques heures dans la vie sociale. Parmi les Cooperative stores, il est de règle de fermer les devantures le vendredi à neuf heures, le samedi à dix heures, et les autres jours à huit heures ; l’après-dînée du mardi ou du mercredi est donnée comme demi-jour de congé dans la plupart des magasins sociétaires du Lancashire.

Plusieurs sont légumistes au milieu de la carnivore Angleterre, et se refusent de porter à leurs lèvres aucune chair qui ait palpité.

Certains sont Swédenborgiens ou membres de l’Église de la Nouvelle Jérusalem, dont la doctrine est plus rationaliste d’un côté, plus mystique de l’autre, que ne l’est celle des autres confessions protestantes.

Parmi les Coopérateurs, on compte beaucoup de Sécularistes, ou adversaires de toute religion surnaturelle. L’auteur de l’intéressante histoire de la Coopération à Rochdale, M. Holyoake, est une personnalité qui fera époque dans l’histoire religieuse de l’Angleterre. S’il fût né en France, le leader des Sécularistes, fondateur du Reasoner et du Secular World, se fût probablement appelé M. Patrice Larroque, et eût écrit l’Examen des doctrines de la religion chrétienne. — Dans son intéressante préface à sa traduction de l’histoire des Pionniers Équitables de Rochdale, M. Alfred Talandier nous raconte, dans le Progrès de Lyon, numéro du 6 octobre 1862 :

  1. Phonetic News, mot à mot Les Nouvelles Phonétiques.