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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

Je ne vois pas pourquoi des villes comme Manchester, Rochdale, Stokport, Oldham, Stalybridge, Bacup, Huddersfield, Halifax, Leeds, etc., se s’uniraient pas entre elles pour faire leurs commandes ; elles pourraient alors envoyer des agents pour vendre ou acheter dans l’intérêt commun, et, tenant le spéculateur en respect, elles intercepteraient, pour leur propre avantage, les bénéfices extorqués jusqu’à présent sur le pauvre peuple. Les sociétés coopératives construiraient leurs propres navires, leurs magasins monstres ; elles pourraient recevoir ou produire de première main toutes les denrées de la meilleure qualité et du premier choix. Dans ce but, nous avons nous-mêmes commencé à réunir quelques associations disséminées autour de nous, et nous formons à Huddersfield une association générale avec un grand entrepôt. Treize sociétés se sont jointes à la nôtre, et nous faisons ensemble une aggrégation de 813 membres, etc. »

Les Équitables Pionniers, comprenant l’avantage qui résulterait pour tous, si toutes les associations fondaient leurs commandes en une seule, proposèrent la souscription par tous les Cooperative stores d’un fonds commun pour les achats en gros, qui seraient désormais effectués par un comité central. C’était un plan très-raisonnable, mais les listes de souscription ne furent pas remplies. On offrit alors aux associations de leur vendre en gros, les produits dont elles auraient besoin, et de leur faire tous les trimestres remise de partie des bénéfices réalisés sur les ventes, suivant le système pratiqué avec les acheteurs au détail. La pratique montra que Rochdale n’était pas une ville suffisamment centrale, et que, se fournissant à Liverpool, pour envoyer ensuite à Melton, par exemple, Melton économisait les frais d’un voyage en s’adressant directement à Liverpool. Des baisses survinrent sur les places d’approvisionnement, et les Stores cadets furent assez malavisés pour courir aveuglément à un bon marché momentané, en laissant dans l’embarras Rochdale dont les commandes en gros avaient été faites antérieurement. Obligés alors d’écouler leurs marchandises avec perte, les Équitables Pionniers, crurent avoir fait suffisamment preuve de bonne volonté, et suspendirent désormais leurs achats en gros pour le compte des tiers.

Cette première tentative a donc échoué, mais il est impossible qu’on en reste là, et de tous côtés on réclame la formation de magasins centraux, à établir, soit à Londres, soit à Liverpool, car les avis sont encore partagés. L’avocat le plus ardent de cette idée, John Allen, a prononcé une forte parole à laquelle tout ami du progrès et tout homme de bonne volonté peut, sans aucun doute, trouver une application personnelle. « Notre premier insuccès n’a prouvé qu’une seule chose, c’est que notre détermination de réussir n’était pas encore assez forte. »

Pour statuer sur ce premier projet, ainsi que sur beaucoup d’autres,