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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

aucune violence, ne brisèrent aucune machine et n’incendièrent aucune usine. Nulle plainte sur la voie publique, nulle violence, nulle menace ; les ouvriers, attendaient toujours et semblaient dire aux fabricants ; « Nous luttons avec notre nécessaire contre votre superflu. Nous risquons notre vie et plus encore ; dans cet enjeu, vous exposez votre amour-propre et votre fortune ; mais nous, nous exposons la vie de nos femmes et de nos enfants ! »

Appréciant parfaitement la gravité des circonstances, les maîtres réorganisèrent leur propre coalition locale sur une très vaste échelle et firent appel aux usiniers du dehors. Ils furent si bien entendus que dans le seul district de Burnton, la grève de Preston avait trouvé des imitateurs, cinquante-sept manufacturiers conclurent un traité, par lequel, sous peine d’une amende de 50 000 fr., chacun d’eux s’engageait à fermer tous ses ateliers, si les travailleurs ne rentraient pas immédiatement dans les deux fabriques qu’ils avaient désertées. Les gens de Burnton furent intimidés, mais ceux de Preston tinrent bon ; ils se rassemblaient de jour en jour, de semaine en semaine, ils ne levaient leurs séances qu’au cri de : « Dix heures et pas de capitulation ! »

Il se forma une association de maîtres manufacturiers, sous le nom de : " Masters spinners’and manufacturers’Defence Fund. " Un comité fut élu, investi de pouvoirs discrétionnaires ; pour secrétaires on lui donna deux hommes de loi, deux avoués chargés de correspondre avec d’autres associations d’usiniers. On calcula quelle était la somme nécessaire aux patrons pour tenir leurs ateliers fermés, et cette somme leur fut payée régulièrement de semaine en semaine, au moyen de contributions volontaires levées parmi les grands industriels et la haute bourgeoisie du pays.

Les ouvriers s’adressèrent à lord Palmerston, implorant sa médiation dans ce terrible conflit. Son Excellence répondit, comme de juste, que l’affaire de Preston ne le regardait en rien, et que le taux des gages ne devait pas être fixé par le Gouvernement, mais par le rapport de l’offre et de la demande sur le marché du travail.

À leur tour, les patrons s’adressèrent à lord Palmerston pour lui demander une démonstration militaire, et, comme de juste, Son Excellence répondit immédiatement par l’envoi d’une troupe de soldats.

Les ouvriers se tournèrent alors vers la Société des arts et métiers qui voulut bien accepter le rôle de conciliatrice. On convoqua en conférence les personnages les plus distingués de l’Angleterre, et les plus compétents sur les questions industrielles ; les délégués de plusieurs chambres de commerce se rendirent à l’invitation, ainsi que lord Stanley, M. P., vicomte Goderich, M. P., vicomte Eimsley, sir William Glay, révérend Maurice, Thornton Hunt, George Holyoake et Ernest Jones, Patrons et ouvriers avaient été convoqués pour exposer contradictoirement leurs griefs dans ces assises du travail ; à ces nouvelles conférences du Luxem-