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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

Sous aucun prétexte, aucun vide ne doit être remplacé ; les survivants sont tenus de se réunir au moins une fois par an, le jour de Noël ; ceux auxquels il est absolument impossible de se présenter en personne, doivent envoyer au moins des lettres avec leur portrait. Quelques membres ont émigré en Australie, aux États-Unis, en France ; ceux qui sont restés en Angleterre se réunissent à certaines époques pour des conversations, des lectures de correspondance, et autres travaux des associés, et enfin pour faire des promenades et des excursions dans le pays

Issus d’une aussi noble origine, les Équitables Coopérateurs de Manchester se sont distingués par leur persévérance et une moralité à toute épreuve. Fondée le 4 juin 1859, avec quelques membres et un capital de 2 350 fr., la Société comptait, le 3 décembre 1860, cinq succursales et 1 650 actionnaires, un capital social de 101 000 fr. avait produit 17 325 fr. de bénéfice sur 342 975 fr. d’affaires. Dans son traité, qui a eu les honneurs du concours institué par le journal the Dial (le Cadran). M. Salked raconte que, jusqu’à ces derniers temps, les fonctions de directeur et de secrétaire avaient été exercées gratuitement par deux membres dévoués, qui consacraient aux achats les heures où ils auraient dû dîner, ce qui suppose beaucoup de prétendus repas avalés à la hâte, et pas mal de jeûnes forcés. Quant à la tenue des livres, l’inventaire, les diverses opérations d’approvisionnement ; quant aux réunions du comité de propagande, on s’en occupait encore passé minuit, alors que de paisibles songes venaient reposer les esprits de mortels moins affairés. Parmi les 97 premiers souscripteurs, plusieurs avaient envoyé des ordres écrits pour se faire délivrer leurs commandes le jour même. Voilà un embarras ! pas de voiture, pas de cheval, pas d’argent pour en avoir, et des clients dont il ne fallait pas perdre la pratique. « Si la coopération devait aboutir, l’englishism (l’anglicisme) devait être sacrifié, et, renfonçant la combativité et la pugnacité naturelles aux fils d’Albion, deux des directeurs de l’entreprise louèrent chacun une brouette, s’y attelèrent bravement et se mirent en route, à neuf heures du soir, pour délivrer leurs paquets dans plusieurs quartiers de Manchester ; à minuit, ils réveillaient tel ou tel de leurs confrères pour lui faire prendre livraison de la marchandise. Le lendemain et les jours suivants, les secrétaires se chargèrent de corbeilles et firent le service des transports. Quelques semaines après, on fût assez riche pour louer les services d’un commissionnaire, et, vers le milieu du quatrième mois, on se procura cheval et charrette, indispensables pour le service d’une entreprise de ce genre dans une ville aussi étendue que Manchester. »


En réfléchissant sur ce dernier exemple, l’on comprend pourquoi le sol et le climat de Londres ont été peu favorables à la naissance et au