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journal de la commune

ces décharges, écoutez bien ! Ce sont des mitrailleuses… Jamais les mitrailleuses n’ont été d’aucune fête !

Hélas ! il est vrai. Deux coups de canon partis de Versailles ont donné le signal de la guerre civile…

En avant marchaient les volontaires catholiques, les zouaves pontificaux, les monarchistes bretons, les favoris de Trochu ; suivaient des troupes de ligne, chasseurs d’Afrique et autres ; derrière, les municipaux et gendarmes, les sergents bonapartistes, que Paris hait et qui haïssent Paris. Ils étaient commandés, dit-on, par le bonapartiste baron de Vinoy, par les légitimistes baron de Charette et Cathelineau ; ils ont, dit-on, déployé dans l’action un drapeau blanc ; on a entendu crier « Vive le Roy ! » J’ai été sur les lieux, j’ai recueilli les renseignements les plus variés et les plus fantastiques, et j’ai fini par comprendre que les choses ont dû se passer à peu près comme ceci :

Vers 9 heures du matin, les fédérés, postés au pont de Neuilly et aux alentours, dormaient encore dans leurs corps de garde, faisaient leur popote, déjeunaient, prenaient leur café ou jouaient au bouchon, quand une masse encore indéterminée de troupes versaillaises, dont personne n’avait signalé l’approche, se répand à Courbevoie, Neuilly. Au rond-point, un garde-national voit tout d’un coup une bande de soldats, précédés d’un homme qu’en ce moment désarmait ou faisait mine de désarmer un garçon appartenant au poste. Le garde national tire tout aussitôt sur l’homme en tête et l’étend raide-mort.

(Les partisans de Versailles ont dit plus tard qu’il avait tué un parlementaire, le chirurgien major, Pasquier. Possible, mais ce parlementaire exerçait irrégulièrement ses fonctions).

À peine a-t-il déchargé son fusil que lui-même tombe sous les baïonnettes ; est achevé à coup de crosse, le poste tout entier est envahi, massacré, sauf quelques individus qui fuient de part et d’autre et que les balles n’atteignent pas. Sur le rond-point sont alors installés des canons et des mitrailleuses qui dominent la grande et large avenue triomphale. Les Versaillais balayent Courbevoie et Puteaux ; ils descendent sur Paris. Une patrouille de gendarmes avance jusqu’au pont de Neuilly