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journal de la commune

immédiatement ouvert sur nos remparts avec une rage inouie. Nous comptons au moins 75 coups à la minute, car c’est par bordées de quatre à cinq coups à la fois que nos bastions sont battus par ces enragés.

Comme on pense bien, toute riposte est impossible ; il faut laisser passer cet ouragan de fer. Comme les brèches ne peuvent être faites qu’avec des boulets cylindriques à pointes d’acier, il n’y a pas d’éclats et, par conséquent, ce sont bien 75 boulets qui viennent frapper notre enceinte par chaque minute, plus de quatre mille coups par heure.

Pendant ce temps, le mont Valérien et Montretout envoient sur nos remparts et la porte Maillot quelques centaines d’obus pour compléter l’émotion et le désordre qu’un pareil bombardement a dû faire naître au milieu des habitants de ces quartiers désolés, quelqu’habitués qu’ils puissent être à toutes ces horreurs depuis bientôt deux mois.

À onze heures, la fureur des Versaillais semble se modérer un peu. Dans cet intervalle, Montretout, qui a été moins actif que d’habitude pendant les premières heures, reprend le bombardement des remparts et des quartiers environnants, avec la furie infernale de ses plus beaux jours. Le Point du Jour est battu de toutes parts. Breteuil, les Moulineaux, Clamart et Issy ne cessent de le canonner. Les bastions de Vaugirard seuls répondent à toutes ces attaques aussi bien qu’ils le peuvent.

Le moment de répit que nous venons d’indiquer n’a pas été de longue durée aux batteries de brèche, car à midi elles reprennent avec toute la violence déployée au commencement de l’action.

La porte Maillot est encore plus violemment attaquée que de coutume. Les Versaillais semblent vouloir en finir, de ce côté, avec une résistance aussi longue, aussi opiniâtre. La porte Maillot a fort à faire pour répondre à tout et se garer de son mieux. Elle résiste pourtant toujours et riposte encore aux batteries de Courbevoie. Vers trois heures le bombardement du quartier de l’Etoile est effrayant.

Du côté de la porte Dauphine, la pluie d’obus est aussi incessante, et Auteuil et Passy sont encore plus accablés que les jours précédents, parce qu’aux batteries de Montretout, il faut ajouter celles des approches d’Auteuil, dont les projections dépassent souvent nos remparts.