Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
journal de la commune

républicaines la sublime devise : Liberté, Egalité, Fraternité, pour y substituer le stupide talion judaïque : œil pour œil, dent pour dent. Ces journaux, d’ailleurs, ne font que donner une expression aux sourdes protestations d’une foule d’esprits idéalistes et timorés qui n’ont jamais sondé, qui jamais n’oseront sonder l’amère contradiction au fond des choses : le bien naît de la Douleur. Depuis des siècles et des siècles, l’Idée lutte contre la Force, mais, pour que l’Idée écrase la force brutale, il lui faut aussi savoir et pouvoir s’armer de violence. Du temps qu’on était spiritualiste à outrance, alors qu’on croyait le corps une vile guenille sans conséquence et la matière une illusion, les Chevaliers de l’Esprit pouvaient croire qu’avec ses propres mérites intrinsèques, ou par la vigueur seule de ses méditations, le Richi solitaire faisait surgir une île du sein des flots, la contraignant à naviguer comme un navire à travers l’Océan ; alors on pouvait croire qu’il suffisait de magnétiser le tyran d’un regard affectueux pour qu’il devînt aussi libéral que le Marquis de Posa, qu’il suffisait de sourire gentiment à un usurier pour qu’il vous prêtât de l’argent sans intérêts. Aujourd’hui on est positiviste : on sait que les faits sont des faits, et qu’on ne les évince pas comme une inconnue algébrique par une analyse plus ou moins subtile ; on sait que toute institution est une accumulation d’intérêts, et que, derrière chaque intérêt, se tient un assassin armé de son revolver.

Quinet a fort bien expliqué le grand sophisme avec lequel l’Église catholique a toujours terrassé ses innocents adversaire : « Tu es partisan de la liberté absolue, et moi je suis l’autorité absolue. Nous sommes ennemis, donc je t’attaque et, quand même tu serais le plus fort, tu ne dois pas me faire le moindre mal, car, à moins d’être infidèle à ton propre principe, tu dois reconnaître et respecter ma liberté. Mais si je suis la plus forte, je t’écraserai, et en t’écrasant je serai fidèle à mon principe ».

Même discours tiennent les autoritaires du vieux monde à de jeunes républicains dont Silvio Pellico est le type. Lamartine, qui était de cette race, a, feu follet nocturne, guidé la République de 1848 dans un marais où elle s’est engloutie. Mais les barricadiers des journées de juin, mais les prolétaires de 1871 ont repris la tradition de la première