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journal de la commune

entendu. Il est reconnu, il est saisi et jeté dans le même corps de garde que le général Lecomte. Il n’y resta pas longtemps. La nouvelle de l’arrestation se répandit bientôt : « On va le faire échapper ! » Le poste est envahi par la foule : « Nous sommes la Justice du peuple ; nous condamnons Lecomte et Clément Thomas à mourir dans les cinq minutes. » Ainsi dit, ainsi fait. Les malheureux, conduits dans un jardin, furent cotés contre la muraille et tombèrent foudroyés, l’ex-général en chef de la garde nationale par dix balles de gardes nationaux, le général Lecomte par les balles de ses soldats.

Marée montante, le flot populaire avait envahi les hauteurs et emporté devant lui tous les obstacles ; le flux inonde maintenant la plaine, vient battre les portes de l’Hôtel-de-Ville, des Ministères, des édifices publics. L’entrée ne fut pas difficile à conquérir. Les dignitaires, les hauts fonctionnaires avaient fui depuis longtemps, emportant leurs portefeuilles à Versailles. On cherchait partout le Gouvernement « au besoin pour le défendre, sinon pour le renverser », suivant la célèbre formule de M. Joseph Prudhomme ; de Gouvernement il n’y en avait nulle part. Quelques maires et quelques représentants de Paris finirent cependant par dénicher l’illustre M. Jules Favre, et après de longs parlementages, pénétrèrent jusqu’en sa présence. M. Jules Favre affecta ne rien connaître des événements de la journée ; il se réfugiait dans son ignorance comme dans une forteresse, il se casematait dans l’irrésolution. Les délégués de quelques municipalités lui exposèrent les mesures qui leur semblaient propre à calmer l’agitation, à endiguer la révolution, pourvu qu’elles fussent acceptées immédiatement. C’était la remise de tous les pouvoirs de Paris entre les mains de quatre hommes, tous membres de l’Assemblée, tous à opinions mitoyennes, tous également bien vus, ou, pour être exact, également mal vus par les deux partis de l’Assemblée : Langlois, commandant en chef de la garde nationale ; Adam, préfet de police ; Dorian, maire ; général Billaut, commandant l’armée de Paris. — M. Jules Favre prit bonne note de ces propositions, promit qu’il les appuierait auprès de M. Thiers, il se fit encore raconter la bizarre aventure à laquelle il ne comprenait toujours rien, il salua obséquieusement et « Cocher fouette