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journal de la commune

pour leurs bêtes féroces d’une douceur et d’une humanité à couvrir de honte les intimes et conseillers de l’Exécutif, les de Rémusat et Barthélémy Saint-Hilaire, les Vitet, les Appert, les Borel, les Lambrecht, les Saint-Marc Girardin, les Batbie, de Broglie, Passy et de Barante, tous noms qui partageront la juste exécration, réservée aux Thiers Dufaure et Picard, scélérats de première catégorie : à moins toutefois qu’ils ne soient protégés par le mépris suivi d’oubli, qui, tôt ou tard, enveloppe les médiocrités malfaisantes.

Les prisonniers que nous avons vu amener à Versailles avant d’être enfermés au camp de Satory, ont été entassés les prisons n’y pouvant suffire, dans des caves. On les jetait les uns sur les autres, pêle-mêle dans une promiscuité plus épouvantable mille fois que la terrible solitude des cellules de Mazas. Au bout de 48 heures, ces caves n’étaient qu’un cloaque infect, une fosse d’aisance dans laquelle grouillaient obscurément des larves humaines.

À Satory, ils font mieux. Le correspondant du Times raconte que « les cellules sont au dessus du sol, mais les prisonniers sont attachés et tenus dans les ténèbres par des planches clouées aux fenêtres des cachots. On alloue à chaque homme une livre de pain par jour ; une livre entière. Ceux qui se disent souffrants sont conduits à l’air, et trois fois par jour on ouvre des portes pour aérer quelque peu. » Nous apprenons même qu’un des locaux au moins possède un lieu d’aisance pourvu d’une lucarne, assez large pour qu’on y puisse passer la tête. Seulement, il y a des sentinelles, fusil chargé, qui veillent à ce qu’on n’en profite pas. Les malheureux le savent, et néanmoins la tentation est trop forte, on en a tué plusieurs qui ne pouvaient résister à la chance de humer une bouffée d’air frais, de voir un bout du ciel. Plusieurs, incapables d’endurer plus longtemps leurs odieuses tortures, ont été, de propos délibéré, se faire tuer à la lucarne. Combien de fois, notre précieux ministre, M. Jules Simon, n’a-t-il pas larmoyé contre la peine de mort !

Le camp est vaste, mais on aurait craint l’accumulation des prisonniers — et qui sait ? la révolte du désespoir… On les expédiait donc le plus loin possible, dans nos ports de mer, dans des îles, en attendant l’Algérie, Cayenne ou la Calédonie.